La solitude chez les personnes âgées : un enjeu de société

La population du Québec est vieillissante. Breaking news? Je ne penserais pas, on peut d’ailleurs observer ce vieillissement en ne portant qu’une simple attention à notre environnement. Pourtant, il me semble qu’on vit un peu la tête dans le sable et les bras croisés face à cette situation, et les nombreux enjeux qu’elle comporte. On ne cesse de relater dans les médias de nombreuses situations désolantes qui ont lieu dans des résidences pour personnes âgées, que ce soit des résidences intermédiaires, des CHSLD ou autres types de résidences pour aînés. On demande des changements pour offrir des conditions davantage favorables à cette clientèle, et plusieurs messages sont récurrents, tels que : trop de patates pilées, pas assez de bains, pas assez d’activités, trop de Jell-O, etc. Je suis consciente que plusieurs choses doivent changer. Étant préposée aux bénéficiaires, je suis constamment exposée à ces conditions qui pourraient largement être améliorées. Cependant, je crois qu’il est plus facile de pointer du doigt le système et d’attendre que le changement s’effectue que d’agir concrètement pour résoudre les problèmes. Il me semble tout de même qu’en s’indignant pour nos aînés, on n’en fait pas plus de notre côté. En ne désignant constamment qu’un seul enjeu, soit celui des résidences pour aînés et leurs services, on met dans l’ombre plusieurs autres enjeux tout aussi importants. C’est d’ailleurs le cas pour la solitude chez les personnes âgées ; enjeu actuel et sur lequel nous pouvons agir dès maintenant sans l’aide du gouvernement et de ses procédures sans fin. Ironiquement, ce sujet est peu discuté autour des machines à café et dans les salles de presse. On l’a effleuré souvent, mais avons-nous tous agis contre celle solitude?  

Au Québec, selon le Devoir, une personne âgée sur trois vit seule. Souvent, les gens des services à la clientèle sont les seules personnes à qui ils vont s’adresser durant la journée ou même durant toute la semaine. La discussion avec le pharmacien, les infirmiers à domicile, le médecin, la caissière à l’épicerie et les conseillers à la banque vont être la seule source de contact humain. On a souvent le réflexe, même moi je suis coupable, de couper court aux discussions avec les aînés. Le temps file et nous sommes constamment en train de courir après notre emploi du temps, avec notre travail ainsi que notre vie sociale, ne laissant que peu de temps au spontané, et donc aux conversations plus légères comme celles sur la météo, mais sans pour autant être moins importantes. Parfois, une simple opinion partagée sur la partie de hockey de la veille peut mettre un baume sur un cœur âgé. Pensez-y. Parfois, même un sourire bien ressenti suffit. On doit juste y porter une attention particulière. 

D’autre part, lorsqu’on ne connait pas l’histoire derrière une personne, il est facile de juger un livre par sa couverture. Puis, surtout par paresse, on ne voit pas la nécessité de l’ouvrir afin de découvrir l’histoire qui s’y cache.  En résidence, nous voyons plusieurs résidents n’avoir aucun contact ou presque avec leur famille, c’est d’ailleurs le cas d’une personne âgée sur trois au Québec. On ne connait pas toujours le contexte familial et ses nombreux détails, mais on ne peut que ressentir malgré tout la peine et le vide qui les habitent. Une attention portée à leur égard changera leur tristesse en sourire le temps d’un moment, et changera votre vision de la vie pour un bon bout de temps. Sans faire cela avec un objectif égoïste, donner rapporte gros personnellement. 

On pense qu’ils ne connaissent pas grand-chose ; mais vous le savez sûrement, et leurs cheveux mentent rarement, ils ne sont pas nés de la dernière pluie. Ils n’ont pas connu Tinder, mais ils ont connu les « je t’aime » et les peines d’amour. Ils n’ont pas connu Facebook, mais eux aussi ont eu des amitiés inébranlables et des soirées inoubliables. Ce n’est pas parce que ce n’était pas sur Instagram que ce n’était pas mémorable. Ils en ont eu des fous rires, des déceptions, des joies et des moments de remise en question ; parce que la principale chose qui nous unit, les humains, ce sont ces émotions que nous partageons et qui font de nous des êtres vivants qui ne font pas qu’exister.

Ne suivez pas le courant, pour une fois, et ne laissez pas les générations séparer ces gens de vous, parce qu’il y a beaucoup plus de choses qui nous rassemblent que de choses qui nous divisent. « L’amour, ce n’est pas démodable » qu’ils disent.

Source de l’article : https://www.ledevoir.com/opinion/idees/536356/l-isolement-social-des-aines-un-reel-gaspillage-humain?fbclid=IwAR1pK3yRdLvfJfiUGSPRxvMyzeR2jKNum3qu5tx1f81nvqJB_Oxf_WZuVhk

Écrit par Sandrine Demers, Rédactrice du ComMédia