Stockholm Syndrome : j’y suis, j’y reste!

Échapper au froid montréalais pour atterrir dans un froid scandinave, l'ironie de mon choix d’échange universitaire ne m’échappe pas. Pourtant, malgré la neige bien installée et les journées trop courtes en ce début d’année, Stockholm m’a charmée dès les premiers jours. 

Les bâtiments anciens scintillent sous la lumière du jour, rare mais précieuse quand elle se montre. Les vitrines des cafés débordent de kanelbullar, ces brioches roulées à la cannelle moelleuses et parfumées, parfaites pour affronter l’hiver. Dans les rues, on croise des visages nordiques aux cheveux blond presque blanc et à la peau pâle, une esthétique qui semble sortie d’un film. J’ai déjà voyagé ailleurs en Europe, ayant un père autrichien, mais je n’avais jamais mis les pieds aussi au nord. Il y a ici quelque chose de différent, entre l’immensité du ciel, l’archipel qui entoure la ville et cette atmosphère à la fois paisible et vibrante. Stockholm est une surprise, un endroit que j’aurais peut-être sous-estimé avant d’y venir, mais qui m’a rapidement conquis.

Ce qui surprend en arrivant, ce n’est pas tant le froid, après tout, je viens du Québec, mais plutôt la lumière, ou plutôt son absence. Le soleil se lève tard, disparaît bien trop tôt, et très vite, tu perds tout repère. Il est 16h, mais ton cerveau croit qu’il est 21h. L’effet est étrange, un mélange de fatigue et de confusion permanente. Heureusement, les Suédois ont tout prévu.


L’hiver ici est une invitation à ralentir : les cafés sont remplis de bougies, de lumières tamisées et de fauteuils confortables où tout le monde s’arrête pour savourer une fika. Ce n’est pas juste une pause-café, c’est un rituel, une excuse parfaite pour prendre un café bien chaud accompagné d’un kanelbulle. 

Vous le comprendrez donc, La fika fait partie du quotidien, un moment où tout le monde s’arrête, sans culpabilité, pour simplement profiter de l’instant. 


Avec le temps, j’ai aussi découvert une autre facette de la culture suédoise : les sports d’hiver et tout ce qui vient avec. Mon amie suédoise m’a proposé un week-end à Åre, une station de ski au nord-ouest du pays, et évidemment, j’ai sauté sur l’occasion. Le ski en Suède, c’est autre chose. De la vraie poudreuse, des paysages à couper le souffle, et une ambiance à la fois paisible et festive. Mais ce qui m’a vraiment marquée, c’est la culture de l’après-ski. Ici, dès 16h, les gens se rassemblent dans des chalets en bois perchés sur la montagne, commandent des bières ou des shots de schnaps, et commencent à chanter des chansons suédoises à pleins poumons. L’ambiance est à la fois chic et décontractée, un mélange parfait entre tradition montagnarde et esprit festif. Après quelques verres, peu importe d’où tu viens, tu te retrouves à taper des mains avec tout le monde, comme si tu avais toujours fait partie du décor.


De retour à Stockholm, je réalise à quel point les Suédois savent profiter de l’hiver, non seulement en le rendant plus agréable, mais aussi en l’intégrant complètement à leur mode de vie; et ça passe par plein de petites habitudes, comme leur obsession pour les saunas. C’est vrai! Chaque gym en a un, et y passer après une journée froide est un réflexe.

Avec le temps, autre chose change imperceptiblement dans la ville : la lumière. Peu à peu, les journées rallongent, et tu te rends compte à quel point ça influence tout. Les rues deviennent plus animées, les gens restent dehors un peu plus longtemps, et l’énergie générale semble différente. Stockholm est déjà une ville où l’on marche tout le temps, mais quand l’air glacial devient un peu plus doux et que le soleil tient quelques minutes de plus, on sent que la ville s’éveille doucement. L’air ici est incroyablement pur, presque trop quand on vient d’un endroit où l’hiver est souvent accompagné de sloche et de ciel gris. Même en plein centre, on sent la présence de la mer Baltique, et le contraste entre l’eau et l’architecture donne un charme encore plus unique à la ville.


Et puis, il y a eu cette nuit où tout le monde a levé les yeux vers le ciel. Les aurores boréales sont rarement visibles à Stockholm, d’habitude il faut monter bien plus au nord pour espérer les apercevoir. Mais cette fois, elles étaient là. Un léger vert, presque irréel, flottait au-dessus de la ville. Tout le monde est sorti, captivé par ce spectacle inattendu. Au début, j’ai cru que c’était un effet d’optique, un reflet étrange de la ville. Mais non, c’était bien réel. Un moment suspendu, hors du temps, qui rappelle la puissance de la nature. 


S’adapter à la vie à Stockholm, c’est aussi comprendre le rapport qu’ont les Suédois avec les interactions sociales. Contrairement à Montréal où lancer un "allô" à un inconnu n’a rien d’extraordinaire, ici, ce n’est pas dans les habitudes. Dans le métro, tout le monde respecte une bulle invisible. Le silence règne, et personne ne viendra spontanément engager la conversation. Mais une fois la glace brisée, c’est une autre histoire! Les Suédois sont incroyablement gentils et drôles, juste plus réservés au premier abord. Et heureusement, tout le monde parle anglais, donc même sans parler suédois, on s’en sort facilement.


D’ailleurs, un Suédois rencontré au hasard m’a dit que Stockholm en hiver et Stockholm en été sont deux villes totalement différentes. Bientôt, les terrasses vont rouvrir, et les gens passeront le plus de temps possible dehors, comme s’ils avaient des heures de soleil à rattraper. Mais ce que j’attends avec le plus d’impatience, c’est Midsummer. Cette fête est presque plus importante que Noël : c’est la célébration du jour le plus long de l’année, quand le soleil ne se couche pas. Tout le monde quitte la ville pour aller à la campagne ou sur une île, on mange dehors, on boit (beaucoup), on chante des chansons traditionnelles et on danse autour d’un mât décoré de fleurs (Midsommarstång). Tout le monde porte une couronne de fleurs, et l’ambiance est décrite comme magique. Je n’ai encore rien vu de tout ça, mais j’ai déjà hâte de le vivre!


Si on m’avait dit avant de partir que je me retrouverais à hurler des chansons suédoises avec des inconnus dans un chalet de ski, que je développerais une passion pour la pause-café et que je passerais mes journées à scruter le ciel en comptant les minutes de lumière gagnées, j’aurais probablement ri. Pourtant, c’est exactement ce qui est en train d’arriver. Stockholm ne cesse de me surprendre, et ce qui me semblait étrange en arrivant fait désormais partie de mon quotidien. J’ai encore beaucoup à découvrir, mais une chose est sûre : la Suède a une façon bien à elle de transformer le quotidien, et je me laisse porter par le mouvement.


Marielle Bucheit