À Madagascar, le zébu va bien au-delà d'être simplement un animal emblématique, il incarne un pilier essentiel de la vie quotidienne et de la culture malgache. La possession de zébus s'est transformée en un symbole palpable de richesse et de prestige, élevant ceux qui en possèdent un statut social plus élevé. Ces animaux, en tant que signe extérieur de prospérité, sont recherchés comme un indicateur de réussite économique. Leur valeur va au-delà de leur utilité pratique, créant ainsi une demande soutenue et renforçant la perception du zébu comme un luxe convoité. Cependant, cette quête de richesse a engendré des conflits significatifs au sein de la société malgache. La possession de zébus est devenue un enjeu de pouvoir et de statut. Des rivalités émergentes, parfois exacerbées par des groupes criminels qui cherchent à s'emparer de ces précieuses bêtes pour améliorer leur propre position sociale. Ainsi, la guerre du Zébu trouve ses racines dans cette dynamique, où les inégalités sociales, la quête de prestige et la compétition pour les ressources précieuses créent un cocktail explosif. La compréhension de ces éléments est cruciale pour saisir pleinement les motivations et les enjeux qui sous-tendent ce conflit, illustrant comment le zébu, bien plus qu'un simple animal, est devenu le protagoniste d'une histoire complexe et souvent tumultueuse à Madagascar.
Richesse et inégalités socio-économiques
La structure sociale à Madagascar expose de manière flagrante des inégalités criantes. Au sommet de la hiérarchie, le chef d’État détient théoriquement la majorité des pouvoirs, suivi par l’armée et l’élite qui exerce son contrôle sur les ressources convoitées, parmi lesquelles figurent les zébus. Cette répartition inégale engendre une réalité où les paysans, qui représentent la grande majorité de la population, se trouvent plongés dans des conditions économiques précaires (Rabenirainy, 2002). La possession de zébus devient ainsi un indicateur manifeste de statut social et de richesse, accentuant les inégalités et générant des frictions au sein de la population.
Les « Dahalos » : Criminels en quête de richesse
À l’origine, les « dahalos » étaient des populations misent à l’écart au Sud de Madagascar qui n’avaient pas de propriété. Lorsqu’un homme voulait se marier, il devait voler quelques zébus pour les offrir aux parents de la femme en guise de dot (Andrianirina, 2010). Au fil du temps, cette tradition a dégénéré en se transformant en un enjeu de sécurité nationale qui touche maintenant l’ensemble de la société malgache. La quête de richesse par le vol de zébus est l’objectif principal des « dahalos » considéré à ce jour comme un groupe criminel armé qui cherchent à améliorer leur statut social (Rijasolo, 2013).
Défis politiques et économiques
Dans le district reculé de Betroka, au Sud-Ouest de Madagascar, la chaîne de montagnes d'Andriry sert de refuge aux « dahalos ». Ces criminels, experts de la région, échappent souvent à l’armée, semant la terreur dans les villages environnants. Le vol de zébus s'accompagne de violences telles que des enlèvements, des barrages routiers, des incendies criminels et même des meurtres (Kosheleva, 2023).
Les conséquences politiques et économiques sont palpables. Ici on parle d’une perte de légitimité du gouvernement, d’une instabilité persistante (Andrianirina, 2010, p.55), et d’une économie rurale sous-développée (Razafindrakoto, 2014, p.31). Ces trois facteurs contribuent à l'ascension des « dahalos » sur les régions peu développées.
Le rôle critique de l’armée
Malgré les efforts de l’armée malgache, la guerre des zébus persiste. Les militaires, souvent non rémunérés, sont confrontés à des « dahalos » bien organisés et ont du mal à protéger les populations rurales. Des rapports font état d’actions préventives sans enquêtes approfondies ainsi que des problèmes de paiement accentuent les instabilités politiques de la région (Emptaz, 2017).
En conclusion, la "guerre des zébus" à Madagascar révèle un tableau complexe où les inégalités socio-économiques, la quête de richesse et l'incapacité de l'État à assurer la sécurité contribuent à une situation volatile, mettant en péril la stabilité politique et économique du pays.
Combattre le vol de Zébu à Madagascar : un appel à l’amélioration des conditions socio-économiques.
Madagascar se confronte à l’un des taux de pauvreté les plus élevés du monde, une réalité poignante selon l’UNICEF (2010). Face au défi du vol de Zébu, une piste de solution émerge : réduire la misère sévit parmi les Malgaches. Une approche prometteuse consiste à renforcer les infrastructures, notamment les connexions routières et l’accès à l’électricité, afin de stimuler les activités de production non agricoles à travers tout le pays. L’amélioration des infrastructures apparaît comme un levier essentiel dans cette lutte, étant donné que des études telles que celles menées par La Banque Mondiale en 2017 soulignent que les distances au marché et l’accès à l’électricité sont des facteurs déterminants du bien-être. Ces éléments ne sont pas seulement des indicateurs économiques, mais aussi des prédicteurs significatifs du niveau de vie des communautés malgaches. Le développement d’une économie stable, englobant aussi bien les populations urbaines que rurales, se présente comme une voie vers la réduction du taux de criminalité et à la fin de la guerre du Zébu.
Maxime Gravel
Bibliographie
Andrianirina, N. et al. (2010). Madagascar dans la tourmente. Analyses socioéconomiques de la crise en zone rurale. l’Harmattan. file:///Users/max/Downloads/AFCO_239_0163.pdf
Emptaz, C. (2017). Madagascar : la guerre des zébus. ARTE. https://www.arte.tv/fr/videos/064841-000-A/madagascar-la-guerre-des-zebus-2015/
Kosheleva, D. (2023). Bâtir la paix dans le bastion des voleurs de bétail à Madagascar. The storyteller. https://storyteller.iom.int/fr/stories/batir-la-paix-dans-le-bastion-des-voleurs-de-betail-madagascar
La Banque Mondiale. (2017). Madagascar : quelques pistes pour réduire la pauvreté. https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/03/21/poverty-in-madagascar-recent-findings#:~:text=Pour%20r%C3%A9duire%20la%20pauvret%C3%A9%2C%20il,excellents%20pr%C3%A9dicteurs%20du%20bien%2D%C3%AAtre.
UNICEF. (2010). Analyse de la pauvreté des enfants à Madagascar.
https://www.unicef.org/madagascar/media/1036/file/Analyse%20de%20la%20pauvret%C3%A9%20des%20enfants%20%C3%A0%20Madagascar.pdf
Razafindrakoto, M. et al. (2014). Élites, pouvoir et régulation à Madagascar. Une lecture de l’histoire à l’aube de l’économie politique. Afrique contemporaine. p.25-50. https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2014-3-page-25.htm
Rabenirainy, J. (2002). Les forces armées et les crises politiques (1972-2002), Politique africaine, vol 2, nº86, p.86-102.
https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2002-2-page-86.htm
Rijasolo, (2013). La guerre des Zébus. World Press Photo
https://www.worldpressphoto.org/collection/photo-contest/2022/Rijasolo/1