Il est indéniable que les films et séries permettent aujourd’hui à certains styles littéraires de briller aux yeux du grand public. L’abondance de ces adaptations offre tout de même une richesse culturelle non négligeable. À la recherche d’un héros, d’une intrigue, d’un fantasme, l’adaptation cinématographique s’ouvre au lecteur bien plus facilement qu’un bloc de 600 pages.
En effet, aujourd’hui la science-fiction a un rayonnement gigantesque sur nos écrans. Alors que l’âge d’or littéraire de ce genre s’articule entre 1930 et 1950, la culture cinématographique rattrape peu à peu cet univers si complexe à représenter. Les moyens techniques permettent aux réalisations de science-fiction de s’affiner, de proposer des univers plus riches, plus complexes, autant dans les effets spéciaux que dans les intrigues. cf. : Interstellar et Blade Runner 2049.
Pourtant, la culture populaire tend à offrir du contenu soit violent; avec Alien ou bien les Gardiens de la Galaxie, soit dystopique; avec Hunger Games ou Le labyrinthe. Il y a cependant un aspect psychologique, peut-être philosophique, qui n’est, d’après moi, pas assez mis en avant dans les séries et les films proposés. La série Black Mirror semble répondre idéalement à cette science-fiction oubliée. C’est une série qui retranscrit plutôt fidèlement les messages et autres avertissements proposés par les grands auteurs de la science-fiction. Elle s’en inspire. Ces auteurs presque oubliés sont eux-mêmes victimes du support papier qui les caractérise, c’est-à-dire d’une influence moindre par rapport au cinéma.
Isaac Asimov semble être l’exemple parfait de cette ellipse littéraire. En 1950, Asimov publie neuf nouvelles pour le moins déconcertantes. Il propose une œuvre psychologique, bien loin de ce que nous propose le cinéma actuel, mais bien proche de notre réalité. C’est un véritable précurseur de la pensée transhumaniste actuelle et un initiateur à cette technologie si controversée aujourd’hui qu’est l’intelligence artificielle. Premier point pour la science-fiction. Asimov y fait part des trois lois de la robotique, je cite :
1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ;
2. Un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ;
3. Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.
Coup de chance ou grand visionnaire ?
Pour beaucoup, l’intelligence artificielle deviendra inévitablement le Frankenstein tant redouté. Heureusement pour nous, Asimov y a pensé...
Peu de temps après la publication de ces nouvelles, une trilogie, Le cycle de la Fondation, fait son apparition. Initialement, le premier livre est publié entre 1942 et 1944. Fondation se déroule avant les années ’50 et nous offre un aperçu presque philosophique d’un monde futuriste. Asimov, l’auteur, est une fois de plus proche de notre réalité. Pour faire simple, nous assistons à la construction d’une nouvelle colonie et de son parcours politique, historique, social et économique. Pas très sexy, n’est-ce pas ? Pourtant, cette trilogie nous fait voyager dans cet univers qu’Asimov réussit à représenter avec précision et intérêt malgré sa complexité, un univers si contemporain qu’il se caractérise à coups de puissance nucléaire et de mathématiques; deux grandes religions de ce monde. Le premier tome est par la suite suivi de deux livres, peut-être moins intéressants, mais permettant une ouverture sur l’histoire millénaire de cette galaxie inconnue.
Apple a récemment racheté les droits de Fondation pour en faire une série. L’entreprise compte en effet lancer son service de streaming en 2019. Ça relance plus ou moins le problème des adaptations… Sera-t-elle à la hauteur du livre ? Les progrès techniques ont en effet permis une représentation fidèle d’œuvres de science-fiction. Cependant, Fondation d’Asimov est complexe et ne correspond pas forcément aux standards actuels. La violence reste relativement implicite dans l’œuvre, ce qui la rend subtile et intelligente. La tâche d’Apple semble être délicate. Quoi qu’il en soit, la simple exposition de Fondation est un cadeau qui, je l’espère, ne sera pas empoisonné.
Écrit par Florentin Roy, Rédacteur du COMMEDIA