Être Asperger et étudier à l'université - Les statistiques, les défis et les bons coups

Par Jérémie Bellefleur

C’est parti, ça y est, une nouvelle année universitaire qui s’installe tranquillement. Un peu trop vite pour certains, peut-être, mais revoir des visages familiers, ça remonte souvent le moral. Lors de ma première soirée avec les autres étudiants du programme, il y avait ce visage, inconnu pourtant, qui faisait rire, comblait les silences, parlait à tout le monde… sans gêne véritable. Il s’insérait bien, et personne ne semblait vraiment le connaître. Quelle ne fut pas ma surprise quand il lâcha tout d’un coup, entre deux phrases, qu’il était diagnostiqué d’un trouble de l’autisme! En deuxième année en mathématiques! J’étais impressionné. 

Au Québec, en 2018, il y avait 14 652 étudiants inscrits à l’université qui étaient considérés en « situation de handicap ». La majorité d’entre eux, à 36 %, étaient diagnostiqués d’un déficit de l’attention. Venaient ensuite, à 16 %, les problèmes de santé mentale, particulièrement mis de l’avant ces derniers temps par diverses campagnes dont vous connaissez déjà les slogans. Un total de 13 %, parmi eux, présentaient une difficulté d’apprentissage, alors que les autres se voyaient surtout accaparés par des handicaps d’ordre physique. En outre, 146 personnes autistes suivaient des cours aux universités du Québec ; l’équivalent d’un pourcentage de la somme des 14 652. Mon nouvel ami en faisait partie. 

Cet ami, que j’espère revoir en vérité, vit avec le syndrome d’Asperger ; une branche de l’autisme qui exclut la déficience intellectuelle. Les gens Asperger sont généralement associées à une difficulté à interagir socialement, en particulier sur le plan des émotions. Ils ont régulièrement du mal à saisir les nuances du langage, tel que le sarcasme, ou à traiter certaines formes de communication. Et pourtant, il était là, mon camarade, en train de socialiser à la fin d’une bonne journée de cours. Cela ne serait peut-être pas arrivé si j’avais étudié il y a 11 ans : les étudiants en « situation de handicap », les 14 652, étaient dix fois moins nombreux en 2008. Cette hausse significative s’explique en partie par l'accroissement de la population, mais surtout grâce aux avancés scientifiques permettant de repérer et de diagnostiquer les enfants en bas âge, puis de les épauler tout au long du primaire et du secondaire (oui, oui, la fameuse maternelle quatre ans).

Malheureusement, c’est là que se trouve le hic, car après le secondaire le soutien se fait moins présent, du moins en termes de ressources humaines et monétaires. Le gouvernement investit 2 milliards par année aux niveaux primaire et secondaire afin de répondre à ce genre de besoins. Le budget accordé aux établissements postsecondaires, par contre, ne suit pas le même rythme, et plusieurs de ces milieux réclament davantage de fonds pour opérer leurs services. 

En fait, la réussite d’un élève Asperger dépend surtout des services mis à sa disposition. Il peut réussir à l’école aussi bien que n’importe quel élève, même mieux encore, puisque l’intelligence serait parfois supérieure chez les personnes Asperger. Seulement, la réussite scolaire dépend plutôt de tout un tas de facteurs comme l’organisation, la prise de notes, la gestion du temps, etc. Les enseignants ne sont pas formés, généralement, pour répondre à ce défi. Il leur faut être équitable auprès de tous et il n’est pas exclu que les autres étudiants soient embarrassés ou dérangés par certaines situations. Au final, il s’agit de cas par cas, de la nécessité d’une aide spécialisée avec à son appuie de l’argent et du personnel qualifié. 

Heureusement, les universités ont adopté des politiques de « soutien aux étudiants en situation de handicap » ; le SESH, ici, à l’UdeM, qui prend en charge ces services. Il y a des bourses à gagner, des accommodements aux examens, des prises de rendez-vous, des conférences en ligne pour former les enseignants, etc. Il y a même le Guide d’accompagnement des étudiants en situation de handicap en contexte de stage : Travaillez ensemble pour leur réussite. Ce dernier est important car le secteur professionnel constitue un défi supplémentaire. Tout de même, leurs capacités sont de plus en plus reconnues par les employeurs. Ils décrochent de plus en plus de diplômes. Je ne suis pas trop inquiet pour cet ami d’un soir. J’ai même d’excellentes chances de le revoir.

PS : Même Greta Thunberg est Asperger! ;)

Références :

http://quartierlibre.ca/autiste-et-etudiant/

https://www.lesoleil.com/actualite/education/troubles-dapprentissage-le-sujet-de-lheure-au-cegep-c56671d6d5980674f666f1a01278fb1d

http://www.bsesh.umontreal.ca

https://www.ledevoir.com/societe/education/522005/enseignement-superieur-explosion-du-nombre-d-etudiants-en-difficulte

https://www.erudit.org/en/journals/ef/2016-v44-n1-ef02469/1036169ar.pdf

https://www.journaldemontreal.com/2017/04/15/miser-sur-les-autistes-pour-performer