Un pour tous, et tous pour le cinéma québécois !
Je me remémore l'excitation prenante qui nous a saisis, mes ami.e.s et moi, à l’annonce d’une adaptation au cinéma du fameux Journal d’Aurélie Laflamme… Parce qu’en 2009, la majorité d’entre nous tenions déjà le tome 2 entre nos mains durant les périodes d’activités libres, non ? Je me remémore un cinéma bondé de jeunes garçons et de jeunes filles qui avaient si hâte de manger du pop-corn en contemplant leurs personnages préférés prendre vie sur l’immense écran devant eux. Peut-être est-ce une expérience qui fut autant significative pour vous que pour moi ? Peut-être avez-vous vécu cette même expérience avec la sortie en salle d’un autre film, à une autre époque, à un autre âge ? Le fait est que, si je ne m’abuse, il s’agit d’un événement de moins en moins courant pour les jeunes adolescents qui ne sont pas séduits par les options de film québécois qui leur sont offertes aujourd’hui. Peut-être est-ce simplement difficile de rivaliser avec l’abondance de contenu hollywoodien hyper stimulant et présent sur toutes les plateformes ainsi que de rendre le nouveau cinéma québécois attrayant pour un jeune public ?
En 2005, on pouvait compter les parts de marché du cinéma québécois les plus élevées avec 18.2% (Villeneuve et al., 2008). En 2022, ces mêmes parts sont maintenant à 7.3% (Côté, E, 2023b). Ces statistiques démontrent que « la domination des produits culturels états-uniens a une empreinte majeure sur les marchés nationaux » (Villeneuve et al., 2008, p. 3) et qu’il est difficile d'amener un succès québécois à un succès international notamment en raison de la forte concurrence. Depuis 2001, un programme gouvernemental d’aide à la production finance les longs métrages en mesure de se rendre au Box-Office et de potentiellement rayonner à l’international. Téléfilm Canada et SODEC (Société de développement des entreprises culturelles) sont donc chargés de sélectionner les demandes de financement des films qui ont le plus haut potentiel commercial (Villeneuve et al., 2008). Il s’agit d’une bonne initiative pour tenter de faire connaître notre culture cinématographique ainsi que notre identité culturelle québécoise partout ailleurs, mais elle fait définitivement passer sous silence beaucoup d’autres excellentes productions au sein même de notre province (Côté, 2023b).
De cette situation découle donc un problème d’accessibilité aux nouvelles productions. En effet, « les citoyens des régions ont plus de difficultés à accéder aux films québécois dans les salles locales, et ce pour de multiples raisons en lien avec un système d’exploitation défavorable aux plus petites productions et aux cinématographies nationales » (Québec Cinéma, 2008). Ainsi les longs métrages qui se voient accorder moins de financement et de budget ont difficilement accès aux petites salles locales restreignant grandement la possibilité d’atteindre et d'accrocher les jeunes qui seront les futurs consommateurs de cinéma québécois.
Quand on parle des jeunes et de l’industrie du divertissement, il est impératif de soulever l’enjeu que sont les plateformes en ligne pour expliquer la minime présence des jeunes en salles de cinéma. En effet, celles-ci peuvent contribuer à la découvrabilité de certains films québécois à plus petit budget, mais les plateformes comme Prime Video, Netflix, Disney +, Crave, Club illico, Ici tou.tv, etc., sont déjà submergés de contenu en tout genre et à portée de main (Québec Cinéma, 2008). Il est vrai que ces plateformes sont le choix le plus simple et le moins coûteux pour consommer du contenu cinématographique et télévisuel tant pour les jeunes que pour les adultes. Cependant, notre contenu local s’y perd, et peine à refaire surface parmi tant de choix et, surtout, avec la dominance du contenu américain comme obstacle majeur.
Le cinéma est sans conteste à la recherche de son nouveau public. En 2023, à qui désire-t-on s’adresser ? Beaucoup de producteurs et réalisateurs se demandent notamment comment rejoindre les jeunes (Côté, 2023b) parce qu’en effet, selon Julie Ravary-Pilon, professeure à l’Université de Montréal, « c’est prouvé que plus les enfants sont exposés jeunes à la culture québécoise, plus ils vont en consommer plus tard » (Côté, 2023a). Il est donc impératif de rejoindre les jeunes maintenant considérant qu’ils assureront un bel avenir au cinéma québécois. La SODEC affirme notamment vouloir plus de projets pour la jeunesse en demande de financement (Côté, 2023b) et dit vouloir sélectionner « des films engageants pour le public à qui ils s’adressent » (Côté, 2023a). Pour ce faire, de nouvelles manières de faire en termes de scénarisations et d’écritures sont proposées afin de rendre notre cinéma plus attrayant pour tous les âges et tous les goûts (Côté, 2023a).
Plusieurs productions abordant des thèmes plus pertinents et intriguant les uns que les autres sont présentement en salles un peu partout au Québec notamment ; Testament, Simple comme Sylvain, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, Solo et bien d’autres. Pour en découvrir encore plus, allez faire un tour sur la plateforme Aime ton cinéma qui promeut tant le cinéma québécois en salle qu'à la télévision et sur les plateformes. Le ciné-campus de l’Université de Montréal présente également chaque semaine des films en tout genre, à petit prix et met de l’avant un grand corpus cinématographique québécois. Avec toutes ces informations et outils en main, pourquoi ne pas redonner une chance au cinéma d’ici ? Faites découvrir des nouveaux films en salle, comme la Légende du Papillon, à vos enfants, vos frères et sœurs, nièces et neveux, bref... tout le monde ne pourra qu’en ressortir comblé et le ventre rempli de liqueur. Qui sait … vous tomberez peut-être sur la perle qui vous fera de nouveau tomber en amour avec des histoires et des personnages qui vous ressemblent ! Il est important de faire rayonner notre culture ailleurs, mais il est encore plus important de continuer à la faire vibrer ici !
Jaymie Vézina
Bibliographie
Côté, E. (2023a). Que faire pour mieux rejoindre le public? La Presse.
Côté, E. (2023b). Redorer l’image du cinéma québécois. La Presse.
https://www.lapresse.ca/cinema/2023-01-20/redorer-l-image-du-cinema-quebecois.php
Québec Cinéma (2008). Accessibilité aux œuvres et aux produits culturels, sensibilisation des
nouveaux publics : Des enjeux fondamentaux pour la nouvelle politique culturelle. Mémoire déposé par Québec Cinéma dans le cadre du Renouvellement de la Politique culturelle du Québec.
Villeneuve, A.C., Mondoux, A. et Ménard, M. (2008). Le défi de l’exportation du cinéma
québécois : état des lieux. École des médias, UQAM.