« Lorsqu'on devient un enfant soldat, on n'a plus d'amour, on nous montre seulement la haine, il fallait d'abord tuer pour ne pas se faire tuer. »
-Une citation de Junior Nzita Nsuami (Radio-Canada, 2019)
Chaque année, le 12 février, le monde entier souligne la Journée internationale contre l’utilisation des enfants soldats, communément appelés la Journée de la main rouge. Cette journée vise à sensibiliser à la nécessité de mettre un terme au recrutement d’enfants par les forces armées et de mettre en évidence le soutien crucial dont ces enfants ont besoin pour retrouver une vie normale et vivre pleinement leur enfance.
Un enfant soldat n’est pas toujours un combattant. Selon la définition de l’ONU, les enfants soldats peuvent aussi être les porteurs, les espions, les cuisiniers, mais aussi les enfants recrutés à des fins d’exploitation sexuelle (Plett, 2021). Utilisés comme arme de guerre, ces enfants apprennent à tuer et à obéir coûte que coûte. Ils sont soumis à un entraînement militaire intensif, où ils apprennent à manier les armes et à suivre des ordres sans poser de questions. Leur identité est effacée et remplacée par celle d'un soldat, prêt à tout pour survivre dans un environnement hostile. La drogue est souvent utilisée pour augmenter la bravoure, manipuler et désensibiliser : « Après la capture d’un village, ce qui arrivait, c’est qu’ils nous donnaient du chanvre [haschich] et nous forçaient à tuer des gens pour nous endurcir. Parfois, ils amenaient des femmes et des filles pour être violées. Avant de faire cela, avant de tuer quelqu’un, vous deviez fumer du hasch - et une fois que vous l’aviez fumé, cela empêchait l’esprit de la personne que vous avez tuée d’entrer dans votre corps » témoigne Albert, un ancien enfant soldat (Amnesty International, 2003). De plus, il y a des conséquences sévères lorsqu’un enfant ne parvient pas à répondre aux attentes des soldats adultes : « Les traces que j’ai sur tout mon dos sont dues aux commandants du camp qui m’infligeait 40 coups de crosses de fusils chaque fois que je ne parvenais pas à faire comme un adulte les exercices quotidiens ou bien si je m’endormais pendant mes tours de garde. En raison des coups, deux de mes amis dans le camp sont morts. Les soldats les ont enterrés dans les toilettes » témoigne Thomas, un ancien enfant soldat (Amnesty International, 2003). Dans cette triste réalité, les enfants sont en mode survit puisque leurs vies sont constamment mises en jeu. Olivier, un ancien enfant soldat partage son expérience traumatisante : « Ils m’ont amené une femme et ses enfants et j'ai dû les mettre dans un trou pour les enterrer vivants. Ils criaient et me suppliaient de leur épargner la vie. J’ai pris pitié d’eux mais lorsque je me suis retourné, j’ai vu les deux soldats qui m’accompagnaient. Alors je me suis dit: ‘si je les laisse partir, ces soldats vont me tuer’. Alors j’ai fait ce qu’on m’avait dit de faire et j’ai enterré la femme et ses enfants vivants pour sauver ma propre vie » (Amnesty International, 2003).
Qu’en est-il des filles?
En deux mots, exploitation sexuelle. Les filles sont le « butin de guerre » des soldats (Ouimet, 2017). En effet, dans la plupart des cas, les filles sont enlevées dans le but de servir de concubine, de femme au soldat ou d’esclave sexuelle. Natalia, une ancienne enfant soldat témoigne ceci : « Une fois dans l’armée, on m’a appris à porter et à me servir d’un fusil, et je montais la garde la nuit et le jour. C’était horrible parce que je n'avais que 12 ans et que j’étais régulièrement frappée et violée pendant la nuit par les autres soldats. Un jour le commandant a voulu que je devienne sa femme. Alors j’ai essayé de m’échapper. Ils m’ont rattrapée, m’ont fouettée et m’ont violée chaque nuit pendant plusieurs jours. À 14 ans à peine, j’ai eu un bébé. Je ne sais même pas qui est son père » (Amnesty International, 2003).
Dilemme : Tirer ou ne pas tirer sur des enfants soldats ?
Cette question est lourde de dilemmes éthique pour les soldats engagés dans des conflits armés. L’enfant est souvent considéré comme un avantage moral, ce qui signifie que les soldats peuvent hésiter à utiliser la force létale contre eux. En mars 2017, l’armée canadienne a été la première au monde à inclure dans sa doctrine militaire qui s’intitule « la note de doctrine interarmées », la notion d’enfants-soldats et l’orientation à prendre lors de rencontre et d’affrontements. Selon ces directives, les militaires canadiens sont tenus de signaler la présence d’enfant soldats, de tenter de désamorcer la situation et de prioriser l’attaque contre les adultes impliqués dans le conflit (Castonguay, 2017). Cependant, l’application de ses règles sur le terrain est souvent plus complexe que prévu. Dans un article de Radio-Canada, des témoignages poignants sont partagés, notamment ceux d’un ancien enfant soldat, de deux militaires de l’armée canadienne et d’une vétérane des forces armées canadiennes. Ces témoignages mettent en lumière les défis auxquels sont confrontés les soldats lorsqu’ils sont face à des enfants soldats et soulignent l’importance de la formation et des directives claires pour guider leurs actions dans de telle situations délicates. (Josselin, 2018)
La tragédie des enfants soldats est une tache indélébile sur la conscience collective de l’humanité. Leur recrutement et leur exploitation dans les conflits armés représentent une violation flagrante de leurs droits fondamentaux et de leur enfance. Les témoignages de ces articles ne sont que quelques cas parmi tant d’autres et oui en 2024, les enfants soldats existe encore, même plus que jamais.
Maxime Gravel
Bibliographie :
Amnesty international. (2003). République Démocratique du Congo : Les enfants soldats racontent leurs histoires. https://www.amnesty.org/fr/wp-content/uploads/sites/8/2021/06/afr620382003fr.pdf
Castonguay, A. (31 mai 2017). Quand tirer sur un enfant soldat? L’actualité. https://lactualite.com/societe/quand-tirer-sur-un-enfant-soldat/
Josselin, M. (15 juillet 2018). Peut-on se préparer à tirer sur un enfant-soldat? Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1112554/enfant-soldat-formation-armee-canadienne-canada-mission-mali.)
Ouimet, M. (2017). Le chirurgien de l’âme. LaPresse+. https://plus.lapresse.ca/screens/84628c83-e7a2-4a2d-8562-942aa15292b3%7C5uVc3TnjN6~H.html
Plett, M. (2021). La détresse des enfants-soldats : les faits, les fondations : comment aider. Vision Mondiale. https://www.visionmondiale.ca/blog/la-detresse-des-enfants-soldats#:~:text=Les%20enfants%2Dsoldats%20peuvent%20occuper,et%20durable%20sur%20l'enfant.
Radio-Canada. (2019). Témoignage d’un ex-enfant soldat en RDC. Ohdio Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/l-heure-de-pointe-toronto/segments/entrevue/128535/enfant-soldat-junior-nzita-nsuami