Comment définissez-vous les applications de rencontre? Pour certains, il s'agit d'un outil révolutionnaire qui facilite la rencontre de personnes partageant les mêmes intérêts. Pour d’autres, elles sont malheureusement synonymes de déception amoureuse. Explorons l'amour à l'ère numérique avec un regard sur Tinder, Hinge et Fruitz. Nous n'allons pas nous contenter de swiper à droite ou à gauche, nous allons creuser un peu. Ces applications peuvent-elles réellement nous aider à trouver l'amour, ou sont-elles simplement une source de perte de temps (et de confiance en l'humanité)?
Tinder, l'application #1 au Canada est célèbre pour son système de "swiping" depuis 2012, rendant la navigation de profils amoureux simple et rapide (Top Dating Apps Ranking in Canada April 23, 2024). Le 22 Avril 2024, Tinder a lancé une nouvelle fonctionnalité "Share my date" permettant aux utilisateurs de partager les détails de leur rendez-vous, y compris le lieu, la date, l'heure et une photo de leur partenaire, avec leurs amis, leur famille et leurs pairs via un lien. Justin McLeod, PDG de Hinge, explique sur son site web comment l'application a vu le jour : « Lorsque l'amour de ma vie m'a quitté après l'université, j'étais dévasté. Je me suis tourné vers la technologie pour rencontrer de nouvelles personnes, créant ainsi Hinge » (Traduction Libre) (The Hinge Founder’s Story, Timeline, Press & More, 2012). Une particularité de Hinge est sa devise "conçue pour être supprimée", soulignant son objectif de faciliter des connexions profondes qui peuvent forger des relations sérieuses. Fruitz, l’application 100% Française (Fruitz Web Page, 2017) adopte une approche ludique en utilisant le concept de fruits pour catégoriser les relations, ce qui apporte une touche colorée à l'univers des rencontres en ligne. Quatre fruits représentent l'état d'esprit dans lequel l’utilisateur se retrouve : la cerise, pour trouver votre moitié ; le raisin, pour un verre sans prise de tête ; la pastèque, pour des câlins sans pépins ; et la pêche, pour une envie de pêcher un soir (Fruitz Web Page, 2017). Chaque application offre une expérience unique dans le monde des rencontres en ligne.
Il est intéressant de connaître les opinions et expériences des utilisateurs eux-mêmes.
Étudiante Anonyme, en première année du département de communication à l'UDEM, partage à son tour son expérience et sa perspective vis à vis de l’utilisation des applications de rencontre. Elle nous affirme
Je préfère Hinge. J'ai été sur les trois applications de rencontre, mais Hinge se démarque vraiment pour moi. J'ai fait de belles rencontres grâce à cette application, et la création d'un profil est à la fois unique et amusante. Ce que j'aime le plus sur Hinge, ce sont les questions qu'ils te demandent de remplir pour ton profil plutôt qu'une petite bio où les gens ont tendance à énumérer des informations standard, parce que cela te permet vraiment de ressentir la personnalité de la personne. Une autre fonctionnalité que j'apprécie est le fait de pouvoir choisir le rayon de distance. Bien que Tinder développe des approches similaires, le modèle de communication de Hinge est bien plus performant. De plus, les utilisateurs de l'application et les personnes que j'ai rencontrées sur Hinge semblent être plus jeunes, ce qui rend le tout plus facile pour moi. Ça ajoute une certaine assurance, sachant que la majorité des profils montrés sont ceux d'étudiants.
Boris Brummans, professeur de communication à l'UDEM, n'est pas vraiment un expert en médias sociaux, mais plutôt une personne qui se pose beaucoup de questions sur la vie numérique. Curieuse d'entendre son point de vue en tant que personne résistant en grande partie aux pièges des médias, nous avons discuté de l'évolution et l’impact social des applications de rencontre. « Je comprends que nous sommes rendus là, mais en tant que dinosaure, j'ai quand même plusieurs questions », débute Boris en riant. « Il faut donner leur chance aux premières rencontres, en face à face, qui sont parfois le fait du hasard. Je donne aussi beaucoup de poids à la communication non verbale et au ressenti qui me permettent de bien cerner les personnes à qui je m'adresse. »
Boris aborde sa consommation d'information, expliquant : « J'aime avoir l'illusion du contrôle sur ma consommation d'information. Même si je paie pour Netflix et YouTube, je suis conscient des algorithmes qui influencent mes choix. La prise de conscience est cruciale ». Il exprime aussi sa méfiance envers la dépendance aux applications et aux grandes entreprises. « Dans ce monde hyperconnecté, notre capacité d'attention tend malheureusement à décroître, ce qui devient un réel problème de santé publique. Par ailleurs, je n'aime pas l'idée de laisser aux entreprises le soin de créer des besoins artificiels auxquels nous n'avions même pas pensé à l'origine. Tout cela devient un réel problème sociétal. Swiper sans trop y penser, par réflexe, c'est inquiétant, je trouve. » Dans le contexte des applications de rencontre, il perçoit ce mécanisme comme potentiellement problématique pour nos émotions humaines. « Cette automatisation et cette rapidité avec lesquelles les utilisateurs prennent des décisions sur les applications peuvent affecter la capacité à établir des connexions émotionnelles profondes. »
Boris conclut notre entretien en soulignant que: « La difficulté dans notre ère numérique, c’est que les grandes entreprises multinationales nous influencent de plus en plus. Satisfaire notre besoin de bien-être nous coûte, par ailleurs, de plus en plus cher. En tant que citoyen, je peux faire de mon mieux pour résister, mais je ne peux pas y échapper complètement. Enfin, cette idée d'agentivité que je prétend avoir par rapport à tout cela est peut-être une illusion. »
Une étude de Eharmony en 2021 révèle que 36% des Canadiens utilisent des applications de rencontre. À noter, la désirabilité en ligne pour les femmes est à son pic à 21 ans et pour les hommes à 26 ans. De plus, 53% des utilisateurs mettent des informations fautives sur leur profil, soulignant les défis d'authenticité dans ce domaine. Ces statistiques montrent comment les Canadiens utilisent les applications de rencontres et qu'il y a encore du travail à faire en termes d'évaluation de l'intégrité de ces utilisateurs (Eharmony Editorial Team, 2021)
Les applications basées sur l'IA, quant à elles, constituent une nouvelle avancée dans le domaine, qui se développe à mesure que ces plateformes continuent d'évoluer vers un nouveau marché. Replika, conçue à l'origine comme un chatbot de compagnie, est devenue bien plus qu'une simple application (Goten, 2023). Elle permet aux utilisateurs de créer des relations romantiques avec des avatars qu'ils peuvent eux-mêmes personnaliser, dotés d'une intelligence émotionnelle artificielle sophistiquée. Cependant, la restriction des fonctionnalités érotiques souligne les défis et les limites de ces applications numériques et a suscité des réactions négatives de la part du public (Carrier, 2023).
Cette introspection nous pousse à interroger la frontière entre la technologie et l'humanité, ainsi que les risques liés à une dépendance grandissante à cet amour numérique. Ces plateformes transforment la manière dont on se connecte, de la façon la plus artificielle qui soit, en mettant de côté les relations naturelles. Mon avis sur le sujet est le suivant : Rencontrer quelqu'un au hasard peut parfois réserver de belles surprises, une découverte agréable à laquelle on ne s'attendait pas forcément. C'est ce petit brin de magie qui rend ces moments si spéciaux. Mais qui n'a jamais connu ce moment gênant où l'on réalise que la magie n'est pas vraiment au rendez-vous? C'est un mélange entre l'humilité du hasard, le fait d'être parfois déçu en direct, sur le vif, et l'optimisme de l'authenticité des rencontres. C'est le risque du jeu, mais aussi ce qui rend chaque rencontre unique. Néanmoins, en les observant de mes propres yeux, je constate que les applications de rencontres sont devenues la norme pour notre génération, voire même une banalité incontournable. À l'ère du numérique, ces applications transforment la façon dont nous cherchons l'amour, remplaçant les rencontres fortuites par des algorithmes de compatibilité.
Salma Achoumi
Bibliographie
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Carrier, L. (2023, mai 14). En amour avec une intelligence artificielle. La Presse. https://www.lapresse.ca/societe/2023-05-14/en-amour-avec-une-intelligence-artificielle.php
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