En 2023, les startups fondées exclusivement par des femmes ont reçu seulement 2 % du capital-risque mondial, un chiffre qui stagne depuis près d’une décennie (TechCrunch, 2024). Et pourtant, les femmes fondatrices sont là. Elles innovent, lancent des produits qui répondent à des besoins concrets, créent de l’emploi. Ce qu’il leur manque, ce ne sont pas les idées, mais l’accès au capital.
Face à ce déséquilibre structurel, certaines femmes ont décidé de créer ce que le système ne leur offrait pas : des fonds conçus pour elles. Female Founders Fund, lancé par Anu Duggal en 2014, est né de cette urgence. Le fonds soutient des entreprises comme Tala, Maven Clinic ou Zola (Female Founders Fund, 2024), qui démontrent que les modèles dirigés par des femmes peuvent être à la fois innovants, rentables et proches des réalités du quotidien. Au Canada, plusieurs initiatives viennent bousculer les règles du jeu en matière de financement. Le fond StandUp Ventures, basé en Ontario, investit dans des startups où au moins une fondatrice fait partie de l’équipe, souvent dans les domaines technologiques ou scientifiques. On y retrouve des noms comme Nudestix, une marque de maquillage clean fondée par une mère et ses filles, aujourd’hui vendue à l'international. De plus, The51, bien que basé à Calgary, soutient activement des entreprises québécoises. Ce fond unique en son genre mobilise les capitaux de femmes pour les réinvestir dans des entrepreneures d’ici (The51, 2024). Parmi leurs projets soutenus : Folia, une startup montréalaise qui développe des outils numériques pour la gestion éthique des données de santé. The51, c’est plus qu’un fond : c’est une communauté de femmes qui croient au pouvoir de l’investissement pour transformer l’économie.
Selon une enquête menée par CNBC, plusieurs fondatrices affirment que « c’est un moment passionnant pour les femmes en affaires », malgré les défis persistants (CNBC, 2024). Elles parlent d’une nouvelle manière d’entreprendre : plus axée sur l’impact, la durabilité, l’inclusion, et moins sur la croissance à tout prix. Mais cette vision ne suffit pas à faire tomber les barrières. Par ailleurs, le livre The Broken Rung, publié par trois associées de McKinsey, explique que les inégalités entre les femmes et les hommes au travail commencent très tôt, dès les premiers postes (McKinsey, 2024). Le « premier barreau cassé » fait référence au fait que beaucoup de femmes n’arrivent pas à obtenir leur première promotion vers un poste de gestion. Et si elles n’ont pas cette chance, elles avancent moins vite dans leur carrière. Elles ont alors moins d’expérience, moins de responsabilités, et moins de visibilité, tout ce que les investisseurs regardent quand une femme lance sa propre entreprise. Bref, même avec de bonnes idées, elles partent souvent avec une longueur de retard.
Heureusement, certaines grandes banques et firmes d’investissement ont pris conscience du problème. Goldman Sachs a lancé Launch With GS, un programme d’investissement de plusieurs centaines de millions de dollars pour soutenir les fondatrices et fondateurs issus de groupes sous-représentés (Goldman Sachs, 2024). Au Canada, TD a lancé le programme Women in Enterprise, qui offre du financement, du mentorat et de la visibilité aux femmes entrepreneures, en collaboration avec The Brand is Female (TD, 2024). La Banque de Montréal (BMO) a également engagé un milliard de dollars pour soutenir les entreprises dirigées par des femmes (BMO, 2024). Les femmes entrepreneures ne manquent pas d’idées. Elles manquent de financement. Pourtant, les chiffres sont clairs : selon le Boston Consulting Group, les startups fondées par des femmes génèrent en moyenne 78 cents de revenu pour chaque dollar investi, contre 31 cents pour celles fondées par des hommes (BCG, 2018). Ces données devraient suffire à convaincre que soutenir les femmes entrepreneures, ce n’est pas un pari risqué, c’est une opportunité qu’on tarde encore à saisir.
Les fonds spécialisés dans le financement des femmes ne sont pas de simples initiatives inspirantes, ce sont des leviers pour réinventer l’économie. Ils permettent à d’autres idées d’émerger, à d’autres récits d’exister, à d’autres façons d’entreprendre de se développer. Et surtout, ces fonds envoient un message fort : ce ne sont pas aux femmes d’adapter leurs ambitions aux règles du jeu, ce sont les règles qu’il faut revoir. Ils nous rappellent que les femmes n’attendent pas qu’on leur donne la permission d’entreprendre : elles le font déjà. Souvent avec peu de moyens, mais beaucoup de vision. Leur offrir les ressources nécessaires pour réussir, c’est un choix stratégique et un investissement intelligent. À notre échelle, des initiatives comme le Comité Femmes en affaires d’HEC Montréal ou Desautels Women in Business à McGill rappellent que le changement commence aussi sur les campus, là où se forment les entrepreneures et les réseaux de demain.
Après tout, croire en l’avenir, c’est peut-être juste décider de soutenir celles qui le bâtissent?
Marielle Bucheit
Bibliographie:
Boston Consulting Group. (2018). Why women-owned startups are a better bet. https://www.bcg.com/publications/2018/why-women-owned-startups-are-better-bet
Banque de Montréal. (2024). BMO pour les femmes. https://www.bmo.com/principal/entreprises/bmo-pour-les-femmes/
CNBC. (2024, January 5). Female founders say it’s an amazing time for women to be in business. https://www.cnbc.com/2024/01/05/female-founders-say-it-is-an-amazing-time-for-women-to-be-in-business.html
Female Founders Fund. (2024). Portfolio. https://femalefoundersfund.com/portfolio/
Goldman Sachs. (2024). Launch With GS. https://www.goldmansachs.com/what-we-do/investing-and-lending/launch-with-gs/
McKinsey & Company. (2024). The broken rung. https://www.mckinsey.com/featured-insights/mckinsey-on-books/the-broken-rung
TechCrunch. (2024, January 4). Female founders raised just 2% of VC funds in 2023. https://techcrunch.com/2024/01/04/female-founders-vc-funding-2023/
TD Canada Trust. (2024). Women in Enterprise. https://www.td.com/ca/en/personal-banking/solutions/women-in-enterprise
The51. (2024). Home. https://the51.com/
The Brand is Female. (2024). Home. https://thebrandisfemale.com/